Dans une interview exclusive accordée au magazine ‘’Tribune Eco’’, le 18 avril à Brazzaville, le représentant résident adjoint du PNUD au Congo, Henry Rene Diouf, a réaffirmé l’engagement de son institution à œuvrer pour la mise en place de l’unité environnementale au Congo. Au cours de l’interview, il a également abordé plusieurs sujets importants, dont la disponibilité du PNUD à appuyer le Congo dans l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) et l’implication de son institution dans l’organisation prochaine du sommet des trois Bassins.

Tribune Eco (TE) : Au cours de l’entretien que vous avez eu récemment avec la ministre en charge de l’Environnement, vous avez évoqué la question relative à la construction de la capacité de l’unité environnementale au Congo. Qu’est-ce que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) prévoit pour la mise en œuvre de cette unité ?

Henry Rene Diouf (HRD):Le PNUD est l’agence onusienne par excellence concernant le renforcement des capacités au niveau du système des Nations unies. Conscient du potentiel économique du Congo en matière de l’environnement, nous avons décidé, en collaboration avec le ministère de l’Environnement, du développement durable et du Bassin du Congo, de mettre à jour les capacités du pays par rapport aux enjeux actuels de l’environnement. A ce propos, plusieurs éléments vont caractériser cette action.

Le premier est lié aux négociations internationales sur les accords multilatéraux concernant l’environnement. Il s’agit de la Convention sur le climat, la Convention sur la biodiversité et la lutte contre la désertification. Nous avons pensé qu’il est important de renforcer ces capacités au niveau dudit ministère. Nous sommes en train d’examiner comment concrétiser cette action. Le second élément quant à lui, est lié à la finance environnementale. Il y a un fort potentiel pour les deux Congo, mais particulièrement pour la République du Congo. De manière générale, nous allons identifier les capacités qui existent actuellement et voir comment les mettre à jour par rapport à la nouvelle donne pour permettre au pays de bénéficier de cette action.

Cette question est liée également au rôle que le secteur privé peut jouer dans la conservation de l’environnement et des ressources naturelles. Elle concerne aussi le marché du carbone et d’autres aspects, tels que l’écotourisme et l’exploitation rationnelle des produits forestiers. Il y a également l’exploitation des ressources minières qui fait partie des ressources naturelles du Congo. Le dernier élément important concerne les capacités d’identification des impacts potentiels des activités économiques sur l’environnement et les ressources naturelles. On doit préserver l’environnement sans impacter la production économique.

TE : Actuellement, les questions liées à la lutte contre le changement climatique est au cœur de tous les enjeux. Dans quelle mesure le PNUD peut-t-il accompagner le Congo dans l’organisation prochaine du sommet des trois Bassins ? 

HRD : Le PNUD s’est engagé à accompagner le gouvernement congolais à organiser cet événement important. Ce sommet ‘’ambitieux’’ a pour objectif d’améliorer et de coordonner la gouvernance des trois grands Bassins, qui maintiennent actuellement la vie dans le monde, à savoir le Bassin du Congo, l’Amazonie et le Bassin du Bornéo Mékong. Donc, il est important de saluer le leadership du président congolais, Denis Sassou-N’Guesso, et la ministre en charge de l’Environnement, Arlette Soudan-Nonault, qui ont pris l’initiative de travailler d’arrache-pied pour que ce projet se réalise. Ce sommet a été placé sous l’égide du secrétaire général des Nations unies, qui a donné quelques orientations aux organismes onusiens.

A cet effet, le PNUD s’est engagé à 100%. Nous allons apporter un appui opérationnel et technique dans la préparation de cet événement. Il est très important que les pays membres de ces différents Bassins viennent avec des positions harmonisées et des réponses aux questions importantes pour conserver ces ressources naturelles. Notre ambition c’est d’aller même au-delà parce qu’un sommet à lui seul ne sert à rien, dans la mesure où des recommandations seront formulées à l’issue de ces assises. Il est crucial que ces décisions soient mises en œuvre après l’événement. Le PNUD s’engage aux côtés des autres organismes onusiens à accompagner le gouvernement à mettre en œuvre ces décisions.

TE : L’engagement du PNUD en faveur du développement durable encourage la promotion des actions transversales. C’est certainement dans ce contexte que votre institution accompagne l’agenda de l’engagement de la jeunesse dans le développement, avec le programme Youthconnekt. Que peut-on attendre du PNUD pour la prochaine édition ?

HRD : Au niveau du système des Nations unies, nous avons compris que la jeunesse constitue le présent et l’avenir. C’est pour cette raison que ce programme a été créé au niveau continental sous l’impulsion du PNUD, avec l’accompagnement des autres agences onusiennes. Au Congo, nous avons lancé officiellement ce programme en juin 2022. Il a pour but d’accompagner les jeunes à renforcer leur capacité afin de contribuer à l’atteinte des ODD. Ce renforcement des capacités consiste à former les jeunes sur des thématiques porteuses et innovantes. Outre cela, ce programme vise à accompagner ces jeunes à créer des activités économiques innovantes qui vont contribuer à l’atteinte des objectifs économiques du pays. Nous avons constaté que beaucoup des jeunes congolais ont des capacités énormes, mais malheureusement ne parviennent pas à faire éclore leurs projets par manque d’accompagnement. Nous voulons, à travers ce programme, mis en œuvre avec le leadership du ministère en charge de la Jeunesse, permettre à ces jeunes de pouvoir exploiter toutes ces opportunités.

TE : Le PNUD intervient en République du Congo depuis les années 70 avec pour objectif d’accompagner le Congo dans la réalisation des ODD. A ce jour, comment appréciez-vous la coopération entre le Congo et le PNUD ?

HRD : La coopération entre les deux parties est au beau fixe. Le travail fait par mes prédécesseurs, avec l’appui de tous mes collègues a permis de restaurer, de renforcer cette confiance que le gouvernement a envers le PNUD. C’est ce qui fait que ce partenariat ne cesse de grandir. Nous sommes en train de continuer ce travail. Actuellement, nous avons des programmes avec le gouvernement, qui démontrent cette confiance. C’est l’occasion de magnifier ce partenariat et de remercier le gouvernement.

TE : Pour les années à venir, quelles seront les axes prioritaires d’accompagnement du PNUD au Congo ?

HRD : Tout d’abord, il y a le renforcement de la gouvernance parce qu’on ne peut pas atteindre le développement économique si la gouvernance n’est pas améliorée. Lorsqu’on parle de gouvernance, on pense à la gouvernance démocratique, économique et environnementale. Nous sommes heureux de voir que ces dernières années, le gouvernement congolais s’est engagé à améliorer la gouvernance des ressources de manière générale, à travers la mise en place de plusieurs institutions, dont le ministère du Contrôle d’Etat, de la qualité du service public et de la lutte contre les antivaleurs, la Haute autorité de lutte contre la corruption (Halc), la Cour des comptes et le Comité national pour la transparence, sans oublier le Parlement qui ne cesse de jouer son rôle. Outre cet aspect, il y a le renforcement des capacités d’évaluation des politiques publiques, car il n’est pas nécessaire de mettre en place des ressources si on n’est pas capables de montrer comment ces ressources ont été utilisées, quels sont les impacts qui ont été atteints et quelles sont les leçons à tirer par rapport aux échecs. C’est ce qui nous permettra de les améliorer. Le troisième axe important c’est le renforcement des systèmes de santé parce qu’il y a beaucoup de choses à améliorer dans ce domaine.

En perspectives, il y aura des ressources qui vont être dédiées à renforcer les systèmes de santé, notamment le renforcement des capacités des acteurs du secteur en équipement, en infrastructure et en gouvernance. A cela s’ajoute la priorité liée au marché du carbone parce qu’il y a un énorme potentiel qui est malheureusement sous exploité au Congo, à travers les écosystèmes qui existent. De ce fait, on peut citer les tourbières au nord du Congo qui ont un potentiel de séquestration du carbone important. Par rapport à cela, nous voulons renforcer les capacités nationales à pouvoir accéder à ce marché. Au-delà de la finance carbone, il y a la finance environnementale où il faudrait également renforcer les capacités. La question de la finance pour le développement et le rôle du secteur privé constitue aussi une priorité émise par le gouvernement. L’accompagnement de la jeunesse et les énergies renouvelables font partie des axes prioritaires du PNUD pour les années à venir.  

TE : Avez-vous un message particulier à adresser aux Congolais et/ou aux gouvernants ?

HRD : Je dirai aux Congolais d’avoir confiance en eux. Ils ont un potentiel extraordinaire. Les gens ont tendance à dire que le marché intérieur est très petit, mais les opportunités qui s’y trouvent peuvent être exportées partout. Pour conclure, j’invite le gouvernement à accompagner davantage les jeunes.

Propos recueillis par GD & Medurin K. et mis en ligne par DN