Dans un entretien accordé au Site d’informations ‘’ Datsoue News ‘’, les responsables de la coalition congolaise « Publiez ce que vous payez » ont éclairé la population congolaise sur les raisons de l’augmentation des prix du carburant et bientôt de l’électricité. Au cours de cet entretien, ils ont déploré l’opacité du gouvernement dans la gestion des subventions des ressources naturelles. Sur ce, la coalition congolaise ‘’ Publiez ce que vous payez’’(PCQVP) recommande au gouvernement des reformes rigoureuses en matière de transparence, de lutte contre la corruption, et de renégociation des contrats pétroliers.
Datsoue news (DN) : Pourquoi la subvention de la Congolaise de raffinage (CORAF) pose-t-elle problème entre la République du Congo et le Fonds monétaire international (FMI), et le FMI demande sa suppression ?
Brice Mackosso (BM) : La subvention de l’Etat à la 0Coraf pose problème effectivement avec le FMI. La République du Congo met en œuvre ce qu’on appelle l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Cette initiative est fondée sur un principe simple : la réconciliation des volumes et des chiffres. L’Etat déclare ce qu’il reçoit du secteur extractif et le secteur extractif les paiements auprès du gouvernement. Les rapports de l’ITIE de 2010, 2011 ont révélé les problèmes actuels qui étaient déjà perceptibles. Si le gouvernement avait décidé à cette époque de faire les réformes nécessaires en matière de transparence, de lutte contre la corruption, certainement que nous n’aurions pas eu ce problème d’augmentation de carburant. Notre pays produit du pétrole mais il coûte cher. Il faut aussi reconnaitre que nous avons les prix les plus bas à la pompe dans la sous-région grâce aux efforts de l’Etat. La Coraf, filiale de la société nationale des pétroles du Congo (SNPC) est liée à l’Etat par un contrat de performance. Ce contrat permet à l’Etat de livrer chaque année à la Coraf une quantité de brut (6 millions de barils) en vue du raffinage en produits finis et la vente de ces produits sur le marché national à un prix subventionné.
Selon les rapports de l’ITIE de 2011 à 2020, l’Etat avait donné 56. 569 731barils à la Coraf. Cette société s’était engagée dans le cadre du contrat de performance à payer les barils reçus 90 jours après. Mais depuis 2011et 2020, dans les déclarations du gouvernement la Coraf n’a jamais payé ces sommes dues qui s’élèvent à 1.826. 111.000.000 FCFA. Ce qui fait un trou, un gap important pour les finances publiques. Mais dans cette somme, le gouvernement n’a pas déclaré les montants de 2015 et 2018. Pendant cette période, la Coraf n’a payé que 68.694.641.000 FCFA. C’est cette situation de la subvention qui a été présentée au FMI qui s’est rendu compte d’un grand déficit dans les finances publiques. Or, la doctrine au niveau du Fmi, c’est de ne pas subventionner un certain nombre de secteurs.
Ainsi, il demande à la République du Congo d’arrêter ces subventions. De même, les audits de la Coraf de 2019, publiés dans le site internet du ministère des finances ont révélé que la Coraf et le gouvernement ont établi une forme de compensation de 436 milliards de FCFA pour arrondir les comptes à zéro. Malheureusement, le gouvernement n’a pas pris le soin de répertorier cette dépense dans le tableau des Operations financières de l’Etat (TOFE). Ces informations ne se retrouvent que dans les comptes audités de la Coraf.
Par ailleurs, un audit de la Coraf montre que l’Etat a fait une compensation de1800 milliards avec 436 milliards au lieu de 1.800 milliards net. Les états financiers audités de la Coraf de 2019 jusqu’à 2022 montrent que cette filiale solde finalement ses comptes à l’Etat. Ces barils sont payés par virements bancaires.
DN : Comment comprendre que dans les états financiers audités de la Coraf, il s’est produit des preuves que tous les barils ont été payé par virements bancaires ?
BCM : En clair de 2020 à 2022, la Coraf avait bel et bien payé ses barils pour un montant de 643.165.524.551FCFA. Ainsi, nous voici dans une situation où plusieurs documents financiers révèlent une autre réalité. Les états financiers audités de la Coraf montrent que la Snpc récupère les produits finis et les vend. Mais, elle ne paie pas sa filiale. Actuellement, la Snpc a une dette de 885.328.031.195 FCFA.
De 2020 à 2022, la Coraf a eu une subvention de 189 milliards de FCFA. Sur trois ans, vous rendez compte que c’est des montants dérisoires. On est loin des 300 milliards de subvention qui ont été déclarés par le gouvernement. Et, de 2021 à 2022, elle a réalisé des bénéfices puisqu’elle a même payé des dividendes de 59 milliards de FCFA. Nous pensons que l’arrêt des subventions obéit beaucoup plus à une question de lutte contre la corruption, c’est-à-dire que le Fmi s’est rendu compte que via ce système de subvention, nous gaspillons de l’argent public et qu’on n’arrive pas justifier.
Le problème est complexe. Face à cette complexité et opacité, le gouvernement a été incapable de s’imposer devant le FMI pour des raisons de souveraineté. Il ne pouvait pas affirmer cette souveraineté puisqu’il y a un vrai bazar avec les comptes dans les relations financières entre l’Etat avec la SNPC et la Coraf. Je crois que notre gouvernement s’est rendu vulnérable devant le Fmi. Si nous avions été transparents dans la gestion de nos comptes, je pense que le gouvernement serait capable de refuser les injonctions du Fmi sur l ’augmentation du carburant.
DN : Le secteur de l’électricité est-il aussi concerné par l’augmentation des prix ?
BM : En 2017, face aux difficultés d’électricité, le gouvernement décide de construire la centrale électrique du Congo (CEC). A cet effet, de nombreux accords ont été signés entre la compagnie Eni-congo et le gouvernement, notamment l’accord particulier relatif à la construction de la centrale électrique du Congo de 2007. Les modalités de remboursement prévues dans cet accord se fondent sur une double compensation du financement d’Eni Congo. Cet accord autorise à l’Eni Congo à prélever sur les parts d’huile dues à l’Etat les quantités de bruts convenues pour la récupération des coûts.
Ainsi, dans le premier accord, le gouvernement a cédé le gaz associé du gisement de M’boundi gratuitement à Eni Congo pour faire fonctionner la centrale électrique. Mais, pour son alimentation, cette centrale devrait encore racheter du gaz auprès d’Eni Congo. Comme la CEC n’avait pas de moyens financiers, le gouvernement s’est porté garant pour donner 171. 000 barils chaque mois afin de subventionner son fonctionnement à gaz. Le Fmi trouve qu’il n’est pas normal qu’on dépense 2.052.000 de barils chaque année pour subventionner une centrale électrique. Ainsi, le FMI a recommandé l’augmentation des prix de l’électricité en compensation de la subvention de l’Etat.
DN : Mais, qu’est-ce que le Fmi et le Congo se sont dits dans le mémorandum de 2019, puisque ces décisions ne datent pas d’aujourd’hui ?
BM : Ce n’est pas le gouvernement actuel qui a décidé de ces mesures. Depuis 2019 jusqu’en 2023, on n’aurait pu engager les reformes nécessaire pour ne pas tomber dans cette situation de suppression des subventions. Le Fmi avait promis au gouvernement de l’assistance technique afin de renégocier les contrats pétroliers pour que le Congo gagne une bonne part de l’exploitation pétrolière. Selon les rapports de l’ITIE, le Congo ne gagne que 27 % de revenue de son exploitation pétrolière. Gagner 27% de son pétrole, ça pose problème ! Le Gouvernement l’a reconnu dans le mémorandum qu’ils ont signé avec le Fmi qu’il ne gagne pas grand-chose. Et, le Fmi a promis de l’aider à renégocier ses contrats. Nous estimons que le Fmi aurait pu faire de cela une priorité avant de décider la suppression des subventions qui porte un coût aux pouvoirs d’achat des ménages et un risque d’inflation très élevé.
Mais, nous regrettons aussi que le gouvernement n’ait pu engager des reformes rigoureuses. Il s’est montré faible devant le Fmi. Il n’a pu s’imposer pour maintenir les subventions. Publiez ce que vous payez pense que le gouvernement et le Fmi doivent arrêter la troisième augmentation des carburants. Nous demandons au gouvernement de prendre des mesures d’accompagnement. Et, nous souhaitons des reformes en matière de transparence et de lutte contre la corruption.
Par Orland Alain