Brazzaville présente actuellement un nouveau visage après l’opération de déguerpissement du domaine public par les autorités. Les populations peuvent désormais circuler librement.

 Les grandes artères sont dégagées des étalages, des kiosques et autres objets qui obstruaient les trottoirs. Les commerçants qui occupaient illégalement l’espace public ont été contraints de regagner les marchés. Ce pendant, cette opération est aussi appréciée diversement par les citoyens. Pour certains, la ville est devenue propre. La visibilité est revenue à la normale. « J’ai vraiment aimé cette opération. On peut circuler librement, se placer là où l’on veut, et même voir quelqu’un de loin. Or, auparavant la circulation était encombrante. On était très serré et on n’avait du mal même à respirer.  Pour moi, c’est normal que tout le monde regagne le marché parce qu’il y a des tables vides à l’intérieur », s’est exprimé Edwige Mpio.  Ce déguerpissement est aussi salutaire pour la   sécurité des brazzavillois. « C’est vrai, vendre sur les trottoirs, non loin du goudron, il y a beaucoup de risques. Un véhicule peut quitter sa trajectoire et foncer sur vous. Vous pouvez aussi mourir. Il n’y a plus assez de vols.  Les gens doivent regagner l’intérieur du marché et rejoindre les autres. Le bénéfice est le même. Elles vont toujours vendre. Il faut qu’elles comprennent que les autorités veulent garder la ville propre », a déclaré Célia Ndong.

 Le déguerpissement des commerçants sur le domaine public a également créé des mécontents. D’autres fustigent la réaction des pouvoirs publics sur cette opération. Ils pensent que l’Etat devrait prévoir des mesures d’accompagnement pour soulager les populations. « C’est bien de marcher librement, c’est un plaisir. Mais, je me mets à la place des personnes qui ont été chassées manu militari sur les trottoirs. Elles nourrissaient leurs familles par ces activités. Je prends le cas des jeunes diplômés qui n’ont pas d’emplois. Ils se débrouillaient sur ces artères. Ils n’ont plus aujourd’hui de revenus pour subvenir aux besoins de leurs familles. Que vont -ils devenir ?  Ces personnes risqueront d’intégrer les groupes des bandits, des’’ bébés noirs’’ ou des enfants en conflit avec la loi. L’Etat devrait regarder tous ces paramètres avant de prendre une telle décision », s’est insurgé Thomas Makanda.

  Pour Destinée, jeune commerçante, diplômée sans emploi qui se désole de la chute de ses ventes, l’Etat a mal agi. « Il fallait d’abord arranger les conditions du marché et puis prendre cette décision. Regarder le marché de Moukondo, si tout le monde rentre à l’intérieur, les places seront insuffisantes. Quand il pleut, il y a de l’eau partout. On ne peut pas bien circuler à l’intérieur », a-t-elle renchéri.

De même, les artistes peintres de la grande Poste se sont également insurgés contre cette directive. Ils ont été déguerpis avec force de leur lieu d’exposition devant le rond-point de la poste.  « Nous avons installé nos tableaux. Les policiers du commissariat de la coupole sont venus nous demander de les enlever devant la poste.  Or, le rond – point de la poste est reconnu comme le lieu où on expose et vend les tableaux et les œuvres d’art dans le monde. Ces tableaux font la beauté de notre ville capitale. Les touristes n’ignorent nullement ce point de vente. Maintenant, on est derrière la grande poste et on est caché. Quel est le client qui va nous voir ? Nous sommes là depuis longtemps. Nos grands parents et nos papas étaient là depuis les présidents Fulbert Youlou et Alphonse Massamba-Débat », s’est plaint Blanchard Ntsieté.

Le déguerpissement des commerçants sur le domaine public est une opération nécessaire pour le rayonnement de la ville capitale. Mais, elle a manqué des mesures d’accompagnement susceptibles d’atténuer le mécontentement des victimes.

Par Flore de Jésus et Orland Alain