Les Organisations non gouvernementales (ONG), la Commission Justice et Paix, le Secours Catholique ainsi que la Terre solidaire ont publié, le 22 novembre à Brazzaville, un rapport sur le Projet BaCaSi, intitulé ‘’ La compensation carbone au prix des droits humains ? ‘’ . Ce rapport montre l’impact négatif de ce projet sur la vie des communautés locales et riveraines de Ngo, dans le département des plateaux.

La compensation carbone est actuellement approuvée par plusieurs multinationales qui financent des projets d’afforestation pour capter le carbone. Pour mener leurs activités, ces entreprises ont besoin de terres. Au Congo, la multinationale TotalEnergies a lancé en novembre 2021 le projet BaCaSi à Ngo. Ce projet consiste à planter 55.000 hectares d’acacia. Aussi, le projet BaCaSi est -il un contrat conclu entre la République du Congo et TotalEnergies en mars 2021. Ce contrat prévoit que le Congo déclasse 70.000 hectares de terres des plateaux Batéké en ‘’ domaine privé de l’Etat‘’ afin de conclure un bail emphytéotique d’une durée de 60 ans entre la République du Congo et la société Forest Neutral Congo (FNC), filiale de TotalEnergies. Le projet BaCaSi implique la conservation des forêts encore présentes, la plantation d’arbres sur 38.000 hectares en dix ans. Selon les experts, il permettra de séquestrer sur vingt ans plus de 10 millions de tonnes de CO2 .

Brice Mackosso (à gauche) présentant le rapport devant les journalistes

Si ces mécanismes sont appréciés par les responsables des émissions de gaz à effet de serre, leur efficacité est désormais remise en cause. Les projets de plantation d’arbres à grande échelle augmentent la demande en terres. Ils entrainent des déplacements des populations et mettent en danger leur sécurité alimentaire.  Pour le cas du projet BaCaSi, les ONG, la Commission Justice et Paix, le Secours Catholique ainsi que la Terre solidaire, précisent que ce projet a impacté négativement les communautés locales et riveraines de Ngo. Les agriculteurs ont été chassés dans les zones du projet sans compensation.

 Selon le recensement de la Commission Justice et Paix, au moins 259 Agriculteurs ont été affectés par la perte de leur activité agricole. Ils éprouvent désormais un sentiment d’injustice. La privation de terres cultivables, pour ces populations sommées de libérer la zone, les a privées d’importante sources de revenus et les mettant dans une situation de précarité. « Ce projet BaCaSi ne devrait pas se faire au détriment des droits des agriculteurs. Cet acte constitue une violation des droits humains pour ces agriculteurs », a indiqué le responsable de la Commission Justice et Paix, Brice Mackosso.

Ce projet n’a pas seulement affecté les agriculteurs, mais aussi les populations autochtones habitant dans la zone de Ngo. Les autochtones ont été interdits d’accès aux forêts présentes sur le site du projet. Ces populations se sont retrouvées privées de ressources alimentaires comme le gnetum africanum(koko), les asperges et de la pêche dans la rivière située aux alentours de la zone du projet BaCaSi. « Nous avons besoin de la terre pour nous nourrir, mais aussi pour trouver des plantes qui nous permettent de nous soigner. On ne peut plus chasser, ni travailler pour les Bantous. Ce projet est presque venu nous tuer. Maintenant, on va faire quoi ? On va vivre comment ? », s’est indignée une personne de la communauté autochtone.

 De même, les propriétaires terriens ont perdu leur patrimoine et les revenus issus de leurs exploitations agricoles. Ils ont reçu comme compensation de la part de l’Etat congolais un ‘’ franc symbolique ‘’, soit 55.000 millions de francs CFA pour 1200 francs CFA l’hectare. Cette somme paraît insignifiante. « La famille fait référence à des groupements de personnes comprenant jusqu’à centaine de membres. Ce qui implique que la compensation perçue est divisée entre chacun d’entre eux. Imaginez-vous, combien chacun peut-il percevoir ? Le projet BaCaSi m’a totalement ruiné. Je suis obligé d’aller louer une terre de 40 hectares à 16 kilomètres de Ngo. C’est moins bien qu’auparavant et c’est loin. Avant, je cultivais du manioc et j’embouchais 45 personnes sur ce site. La terre qui m’appartenait, maintenant je dois louer une terre. Je ne peux plus payer les études pour mes enfants, c’est ça le plus dur », s’est outré un ancien propriétaire terrien de Ngo. Ces propriétaires terriens expropriés affirment par ailleurs que l’obligation de céder leurs terres à l’Etat les a placés dans une situation difficile vis-à-vis des autres citoyens. Le projet BaCaSi a démarré dans la zone de Ngo sans la réalisation du consentement libre informé préalable (CLIP) des populations.

Par Orland Alain