Dans le cadre de l’amélioration des soins de santé maternelle, néonatale et de la reproduction, les Sages femmes jouent un rôle déterminant. L’engagement et le dévouement de ces professionnels de santé contribuent à sauver des vies et à réduire le taux de mortalité maternelle ainsi qu’infantile. Malheureusement, les conditions de travail des sages femmes au Congo demeurent précaires.
À l’occasion de la célébration en différée de la journée internationale de la sage-femme, l’association nationale des sage-femmes du Congo (ANASAFCO) a fait un plaidoyer aux pouvoirs publics et aux organismes internationaux pour la cause de la sage-femme. Dans les situations de crise comme de paix, ces sage-femmes continuent, même sans eau potable, sans électricité, sans médicaments, à assurer des accouchements sécurisés et à offrir les soins prénatals et postnatals. Pour bien exercer leur métier, les sage-femmes du Congo sollicitent du gouvernement et des partenaires techniques et financiers du Congo plus d’investissements et de formations. La présidente de l’ANASAFCO, Marie Fanny LOLO, a lancé ce cri d’alarme lors d’un entretien réalisé avec le média en ligne Datsoue news.
Datsoue news (DN) : Que représente pour vous la célébration de la journée internationale de la sage-femme ?
Marie Fanny LOLO (MFL) : Cette commémoration constitue pour nous une activité louable dans le cadre de notre métier de sage-femme. Cette journée nous permet de dresser le bilan de tout ce que nous avons fait pendant l’année et de faire le plaidoyer de certains sujets qui nous préoccupent dans nos structures sanitaires. Elle nous permet aussi de discuter sur les avancées enregistrées au niveau international et national. Vous êtes sans savoir que certaines d’entre nous vont à l’étranger pour se former. Quand elles reviennent au pays, elles doivent rendre compte aux autres sur tout ce qui se fait actuellement ailleurs afin d’être au même niveau avec les autres sage-femmes du monde. L’objet de cette journée est de voir tout ce qui se fait dans le pays soit identique avec ce qui se passe sous d’autres cieux. Si vous allez en Europe, vous trouverez la même chose, les mêmes pratiques qu’en Afrique, notamment au Congo, au Gabon, au Sénégal etc. Il est vrai que nous n’avons pas tout le matériel nécessaire qu’il faut ; au moins dans la pratique que nous soyons pareil, parce que les femmes qui meurent ne sont pas seulement au Congo. Donc, nous devons faire la même chose. Il y a des pratiques que les responsables en santé maternelle et de la reproduction doivent enseigner aux sages-femmes. Les choses que nous n’avons pas pu réaliser pendant l’année, nous pouvons les réaliser le même jour. Les informations que nous n’avons pas pu donner à tout le monde, nous pouvons les transmettre dans des ateliers, à travers les thèmes que nous développons au cours de cette journée. Cette célébration est capitale pour nous parce que nous apprenons, nous célébrons et nous conscientisons les sages- femmes.

Les sages-femmes du Congo.
DN : Quelle est la situation actuelle de la sage-femme au Congo ?
MFL : La situation de la sage-femme est précaire. Le travail de la sage-femme n’est pas reconnu par la population. Voyez-vous quand vous allez à la maternité, vous êtes exposées à des risques et des difficultés énormes pour pratiquer votre métier. Ma collègue qui est arrivée m’a dit qu’elle a eu un accouchement difficile, ce matin à Makélékélé d’où l’enfant a été retiré par des forceps. Elle était mouillée de sang. Elle ne pouvait pas arriver tôt au lieu de notre activité. Elle est obligée d’aller d’abord se laver. Cela n’est pas facile. Mais, dès qu’il y a une femme qui meurt dans la salle d’accouchement, c’est fini. Tout le monde méconnaît tout le travail de la sage-femme. La situation de la sage-femme aujourd’hui est précaire parce que le travail qu’elle fait n’est pas reconnu. Elle n’est pas considérée ni valorisée. Les sages femmes ne sont pas prises en compte. Nous travaillons dans les conditions difficiles. Tout nous manque. Vous pouvez même le vérifier dans nos structures. Cependant, vous nous demandez de faire plus, mais nous ne pouvons pas. Une femme qui arrive pour accoucher n’a rien, ni le minimum nécessaire, à savoir le coton, l’alcool, ni de drap ou de pagne pour couvrir le bébé. Et, vous voulez que la sage-femme se taise. La population nous critique que la sage-femme parle trop. Elle nous reproche des insultes. C’est vrai mais, certaines femmes ou jeunes filles lorsqu’elles viennent accoucher oublient même la couche ou la chemisette pour faire habiller l’enfant qui est nu. Alors qu’elle s’est préparée pendant 9 mois avant l’accouchement. Comment voulez-vous que la sage-femme ne parle pas. C’est cela qui fait le mal des sages femmes
DN : Quels sont les projets de l’association des Sages -femmes du Congo ?
MFL : Nous avons un plan stratégique où nous avons énuméré tous les projets de l’année et toutes les activités à réaliser. Si, nous avons des partenaires qui peuvent nous venir en aide, cela ne pouvait que nous réjouir. C’est seulement avec nos cotisations que nous essayons de faire quelque chose. Nous avons des projets, par exemple, d’élargir les antennes des sages- femmes dans tout le pays afin de les conscientiser sur certaines pratiques jugées néfastes. Nous voulons également regarder avec le gouvernement ce qu’il peut faire pour que les sages femmes qui trainent puissent aller travailler dans les structures sanitaires dans les zones les plus reculées de notre pays. Notre grand projet est de faire en sorte que partout où vous allez, vous trouvez des sages femmes. Nous sommes conscientes qu’il manque de sage-femmes dans les départements. Toutes sont concentrées dans les grandes villes de Brazzaville, de Pointe noire, de Dolisie, de Nkayi et d’Oyo. Par ailleurs, dans certaines localités, ce sont les hommes, les infirmiers et les agents techniques qui dirigent les accouchements. Ce n’est pas bon.
DN : Quel est le message que vous lancez en cette journée commémorative ?
MFL : Nous disons au gouvernement de soutenir les Sages-femmes, de financer et de reconnaître le travail qu’elles accomplissent au quotidien. Les pouvoirs publics devraient aussi nous associer dans toutes leurs réunions qui regardent la santé maternelle et de la reproduction. Conscientiser les sage-femmes afin qu’elles soient debout pour affronter les combats difficiles, parce que c’est un combat qui ne se terminera jamais.
Propos recueillis par Flore de Jésus.