Le débat sur le projet de loi modifiant et complétant la loi électorale du 10 décembre 2001 a suscité de vives réactions au Sénat, après l’introduction de nouvelles conditions d’éligibilité aux élections locales. Le baccalauréat est désormais exigé pour être candidat. Parmi les voix les plus critiques figure celle du sénateur Kaya Magane, qui a dénoncé ce qu’il considère comme des dispositions anticonstitutionnelles.
Le sénateur a fermement rappelé, au cours de cette séance plénière, que « la Constitution est la loi suprême » et qu’il n’est pas permis au législateur « de faire dire à la Constitution ce qu’elle ne dit pas ».
Selon Kaya Magane, là où la Constitution est silencieuse, le Parlement ne peut créer de nouvelles normes, mais seulement des dispositions d’application. Au cœur de sa critique figurent deux points majeurs à savoir l’exigence du baccalauréat pour être candidat à une élection locale et l’exclusion des candidatures indépendantes au profit des seuls partis politiques.
S’appuyant sur l’article 58, alinéa 3 de la Constitution, Kaya Magane a souligné que « nul ne peut faire l’objet de mesures discriminatoires en raison de son appartenance à un parti politique ou du fait qu’il n’appartient à aucune formation politique ».
Pour le sénateur, empêcher les indépendants de concourir aux élections locales revient à « tordre le cou à la Constitution ». Il a également invoqué l’article 15 de la loi fondamentale, qui consacre l’égalité de tous les Congolais devant la loi, pour dénoncer une discrimination fondée sur la condition sociale. « Exiger le baccalauréat comme critère d’éligibilité, c’est désavantager certains Congolais », a-t-il soutenu.

Le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Raymond Zéphyrin Mboulou,( à droite) défendant la reforme avec une posture perplexe.
De même, a rappelé que pour des élections majeures comme la présidentielle, les législatives ou les sénatoriales, aucune exigence de diplôme n’est imposée.
De son côté, le sénateur Jean-Marie Epouma s’est également interrogé sur la pertinence du critère du baccalauréat. « Pourquoi le bac et pas la licence, voire le doctorat ? », a-t-il lancé.
Il a mis en garde contre ce qu’il appelle le « mythe du diplôme ». Pour le Jean-Marie Epouma, le mandat électif repose avant tout sur la confiance entre l’électeur et l’élu, ainsi que sur l’engagement citoyen et l’expérience locale, plutôt que sur le seul cursus académique. Il a également exprimé ses craintes quant à une marginalisation des acteurs locaux et de la société civile.
Face à ces critiques, le ministre d’État, Pierre Mabiala, a opposé une lecture différente de la Constitution. Selon le ministre d’État, l’égalité garantie par l’article 15 concerne l’accès de tous à l’éducation, mais non l’égalité des résultats. « L’État met en place un système éducatif pour tous. Ensuite, c’est l’effort individuel qui fait la différence », a-t-il expliqué.
Ainsi, il estime que l’exigence du baccalauréat ne constitue pas une discrimination, mais une condition liée au mérite et à la compétence. En outre, le ministre d’État a précisé que, contrairement aux élections présidentielle, législative et sénatoriale, dont les conditions sont fixées par la Constitution, les élections locales relèvent exclusivement de la loi électorale. « Il ne peut donc y avoir contradiction directe avec la Constitution », a-t-il affirmé. Il a ajouté que seule la Cour constitutionnelle est compétente pour trancher en cas de contestation.
Le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Raymond Zéphyrin Mboulou, qui a défendu la réforme, a précisé que les départements et districts regorgent d’intellectuels, parmi les agriculteurs et les acteurs du secteur informel. « Il nous faut des conseillers capables de comprendre et de gérer les matières transférées dans le cadre de la décentralisation », a-t-il insisté. Il a aussi rappelé que l’article 210 de la Constitution confie aux collectivités locales des compétences stratégiques.
Malgré les divergences, le débat a été jugé riche et nécessaire par le président du sénat, Pierre Ngolo. Les sénateurs favorables au texte estiment que ces nouvelles dispositions permettront de renforcer la qualité de la gouvernance locale, tandis que les opposants réfléchissent déjà sur leur intention de saisir, le cas échéant, la Cour constitutionnelle.
La réforme de la loi électorale, désormais adoptée par le Sénat, marque ainsi une étape importante, mais controversée, dans le processus de décentralisation et de modernisation de la vie politique locale. Le débat s’est déroulé , le 21 décembre 2025, sous l’autorité du président du Sénat, Pierre Ngolo.
Par Orland Alain.