L’humanité a célébré, le 15 septembre, la journée internationale de la démocratie instituée par les Nations Unies en 2007. Cette journée offre l’opportunité aux pays du monde de promouvoir l’état de droit, la protection des droits fondamentaux et la transparence.

Elle est une occasion de réfléchir sur les avancées et les défis de la démocratie en vue de garantir des sociétés inclusives et participatives. La 18ème édition de cette journée a été commémorée sous le thème : « Atteindre l’égalité des sexes, action par action ».

Elle a aussi permis aux responsables politiques et aux acteurs de la société civile d’évaluer l’état de la démocratie en République du Congo. Le président de la Fondation Charles Ebina et défenseur des droits de l’homme qui, dans un entretien avec le média en ligne ‘’ Datsoue news ’’, a déploré la persistance des inégalités et les violations récurrentes des droits fondamentaux des citoyens au Congo.

 Pour relever ces défis, Joe Washington Ebina a appelé à la tenue d’un dialogue inclusif et à la libération des prisonniers politiques comme le général Jean Marie Michel Mokoko et le ministre André Okombi Salissa.

Datsoue News (DN) : L’humanité a célébré la journée internationale de la démocratie. Quelle lecture faites-vous de l’état de la démocratie au Congo ?

Joe Washington Ebina (JWE) : les Nations Unies avaient institué en 2007 la journée du 15 septembre pour demander aux États de promouvoir les droits de l’homme, la démocratie.  Mais, le Congo est aujourd’hui considéré comme l’un des derniers pays qui respectent cette volonté. Il est souvent classé parmi les États où la démocratie est malheureusement qu’un simple mot. Son application laisse encore beaucoup de doute.  Je vous rappelle qu’il n’y a pas de démocratie dans un pays sans leaders d’opinion. Le général Jean Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa, sont en prison depuis 9 ans.  

DN : Pourquoi vous vous obstinez toujours sur la libération des prisonniers ; N’y a-t-il pas des avancées en matière de démocratie au Congo ?

JWE : Permettez-moi de vous dire que la vérité ne change pas selon les humeurs. Le général Mokoko est arrêté depuis 9 ans. C’est dommage que tous les jours, les gens me condamnent d’être constant. Mais, il faut être constant dans la vérité.

 Des personnes sont en prison, pourquoi voulez-vous qu’on les oublie ?  Il n’y a pas de démocratie lorsque vous êtes arrêtés pour avoir exprimé des opinions contraires et lorsque les médias publics sont réservés aux griots du pouvoir. C’est une réalité qui ne changera pas. Les faits démontrent que le Congo est un pays qui n’a pas une démocratie respectable, mais plutôt de façade.

DN : Alors, la démocratie est-elle en péril au Congo ?

JWE : déjà, il faut que la démocratie existe pour qu’elle soit en péril. Elle n’existe pratiquement pas puisque les opinions ne sont pas respectées. Il y a un semblant, une volonté théorique. Mais sur la pratique, cela reste à démontrer.

Les membres d’une famille au village.

DN : Selon vous, comment faire pour raviver la démocratie au Congo ?

JWE :  La volonté des pouvoirs publics serait plutôt d’établir un lien autour d’une concertation nationale. Celle-ci devrait inclure le pouvoir de Brazzaville, les opposants aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, les membres de la diaspora, la société civile et tous les acteurs des confessions religieuses pour aller à un dialogue afin de définir le chemin à suivre pour que nous parlions de la démocratie au Congo.

DN : Quelle est votre réaction sur la recrudescence des 3ème et 4ème mandats présidentiels en Afrique ?

JWE : L’Afrique n’a pas changé dans la volonté de certaines personnes de se maintenir au pouvoir.  Néanmoins, il y a des hommes d’exception. Au Bénin, un homme d’exception a décidé de ne plus se représenter à l’élection présidentielle. Malheureusement, d’autres qui n’ont pas compris que le cours de l’histoire les rattrapera toujours, persistent dans leur logique de tripatouiller les constitutions.

Il faut rappeler aux citoyens que l’Afrique a connue des dirigeants qui, pour certains, ont voulu se cramponner au pouvoir, ils n’ont pas eu de bons résultats. Et d’autres qui ont exprimé le besoin d’une démocratie sont respectés et leurs noms sont aujourd’hui inscrits dans les livres d’histoire.

DN : Que dites-vous des commissions électorales accusées d’être à l’origine de l’affaiblissement de la démocratie en Afrique ?

JWE : Dans un pays où règne la dictature, les élections ne se perdent pas. Donc, c’est tout un système qui est orchestré pour maintenir au pouvoir les dirigeants qui, malheureusement, ne trouvent pas de solutions pour alléger la misère des populations. Si aujourd’hui, le bilan de ceux qui dirigent au Congo est favorable, on ne ferait pas une année pour avoir le passeport. Il n’y aurait pas de problèmes d’électricité et d’eau. Les gens ne souffriraient pas pour avoir un emploi.

 Le pouvoir de Brazzaville a malheureusement démontré ses limites. Après 42 ans de pouvoir, les solutions ne sont pas trouvées. Comment sortir le Congo de sa misère ? Ce n’est pas avec ceux qui dirigent aujourd’hui. Car, ils avaient la possibilité de le faire, depuis longtemps ; mais, ils ne le font pas.

DN : vous avez dénoncé le laxisme des dirigeants actuels, quel est l’apport de la société civile pour consolider la démocratie au Congo ?

JWE :  en ce qui concerne les droits de l’homme, nous continuons à demander constamment aux dirigeants de respecter les textes de la République. Les arrestations arbitraires ne sont pas tolérables. Présentement, des jeunes sont arrêtés et incarcérés à la CNSS depuis longtemps sans procès. Malgré les demandes des détenus, il n’y a toujours pas de procès. Voilà l’une des violations des droits de l’homme au Congo.

 La société civile actuelle est dans un pays où les dirigeants sont suffisants. Ils n’aiment pas le dialogue. Ils ne veulent pas aussi échanger sur les sujets liés à la construction d’un véritable état de droit et à l’amélioration des conditions de vie des populations. Ils se cramponnent au pouvoir d’une manière brutale et violente. Voilà pourquoi vous constaterez que certains aujourd’hui sont en exil et d’autres arrêtés. C’est une réalité au Congo. Mais, cela n’empêche pas les gens de croire à des valeurs. 

Au niveau de la société civile, nous avons compris que nos vies ont très peu d’importance ; c’est le combat que nous menons et les valeurs que nous défendons qui comptent. Le reste, l’histoire nous donnera raison parce que l’histoire donne raison à ceux qui disent la vérité. Cela peut prendre du temps, mais à la fin, ceux qui disent la vérité triomphent toujours.

DN : Pour conclure notre entretien, aviez-vous une préoccupation que vous vouliez évoquer ?

JWE :  bon, c’est simplement de rappeler que nous maintenons notre volonté à un dialogue national sous l’égide de la communauté internationale des Nations unies, si possible.Un dialogue avec la libération du général Mokoko et du ministre Okombi Salissa.

Tant que ces acteurs politiques sont en prison, il n’y aura aucune crédibilité à une élection dans le pays et aucune volonté de parler de démocratie au Congo. Car le manque de démocratie, c’est justement cela. Arrêter les opposants, opprimer des personnes qui expriment des voix contraires à la vôtre. C’est cela le manque de démocratie. Je pense que le Congo a déjà tous ces critères réunis.

Propos recueillis par Orland Alain.